L’injonction au tout-numérique : Un fléau moderne qui isole, divise et ravage des vies

En tant que thérapeute, je vois de plus en plus de jeunes et de moins jeunes entrer dans mon cabinet, désabusés par un monde qui les pousse sans répit vers le numérique. Qu’il s’agisse de gestion de location sur des plateformes, de démarches administratives, ou même de simples actes quotidiens comme acheter un billet de train, tout semble passer par un écran. Or, cette hyper-dépendance technologique n’est pas sans conséquences profondes, tant sur le plan psychologique que social. Le numérique, loin d’être un outil neutre, ravage des vies et voile des existences…

Bien-entendu les sociétés qui en tirent leurs revenus vous diront le contraire : que l’évolution technologique est positive et inévitable. Je ne parle même pas ici de l’IA, simplement de cette injonction à être connecté en permanence. Pour exemple : je reçois il y a quelques mois, par courrier, une relance d’impayé pour une nouvelle taxe imposée aux autoentrepreneurs. Je suis étonnée car je n’ai pas reçu la première facture. Je téléphone donc à l’organisme concerné : « Madame, la première facture est dans votre espace en ligne ! Vous ne l’avez pas vu ? » « Non puisque je n’ai pas activé cet espace. Je ne veux pas perdre de temps avec ça ! » « Alors, Madame, vous êtes en tort ! C’est obligatoire de se connecter à cet espace !  » « Alors comment font les gens qui n’ont pas d’ordinateur ou dont l’ordinateur est en panne ? » « Madame, à l’heure actuelle tout le monde doit posséder un ordinateur ! » No comment…

Le calvaire des personnes âgées : l’exclusion par le numérique

Il suffit d’observer une gare pour comprendre l’ampleur du problème. Des personnes âgées, souvent seules, se retrouvent confrontées à des bornes automatisées pour acheter un billet de train. Elles luttent, stressées, face à des machines qui ne sont pas conçues pour elles. Ce stress, que je constate souvent dans mon cabinet, ne se limite pas aux gares. En France, on demande à des personnes isolées de plus de 90 ans de gérer leurs factures, de renouveler leurs papiers d’identité ou de déclarer leurs impôts en ligne, alors même qu’elles n’ont jamais possédé de smartphone. C’est une absurdité cruelle et déshumanisante qui les plonge dans une profonde frustration. Vu récemment : une personne âgée arrive pliée en deux pour un examen du dos, apparemment en grande souffrance puisqu’elle crie à chaque pas, et arrivée à l’accueil on lui demande « gentiment » d’aller scanner elle-même son ordonnance, sa carte vitale et ses résultats de précédents examens « à la borne » ! Donc nous avons ici 3 secrétaires qui encaissent les paiements mais envoient les patients « à la borne » pour tout le reste ! Cela vous paraît logique de n’être présent pour le patient uniquement au moment de faire rentrer l’argent ? Avec eux, vraiment, le client est roi !

Les services publics eux-mêmes ne sont pas épargnés. Les sites gouvernementaux, souvent mal conçus ou dysfonctionnels, sont un véritable cauchemar pour ceux qui n’ont pas grandi avec la technologie. Il n’est plus rare de voir des personnes âgées, autrefois autonomes, se sentir impuissantes face à une dématérialisation excessive. La société a abandonné ces générations à une solitude technologique qui ne cesse de croître… Autour de moi je ne cesse de recueillir des récits de déboires concernant les services publiques et leur passage au « tout-technologique » et croyez-moi ils vous feraient regretter les années 70 !

Les jeunes :souvent ultra connectés mais déconnectés du monde réel

Paradoxalement, les jeunes, eux, bien que plongés dans le numérique depuis leur naissance, souffrent aussi de cette tyrannie. mais de façon toute inconsciente ! Ils ne savent réellement pas ce qu’ils y perdent ! La connexion permanente ne les rapproche pas, bien au contraire. Le tout-numérique engendre un isolement social subtil. Les interactions sont virtuelles, souvent superficielles, et le véritable lien social, celui qui se tisse dans la rencontre humaine, est en péril. De nombreux jeunes que je rencontre sont démunis face à des situations simples de communication en face à face. Leurs compétences sociales régressent tandis que leur dépendance aux écrans explose. Il n’est pas rare de rencontrer des jeunes ne sachant pas exprimer ni leurs émotions, ni leurs sentiments, sensations ou une simple idée. La construction de phrases logiques ne coule pas de source. La sélection du mot adéquat non plus. Ici nous réapprenons à prendre notre temps pour communiquer clairement. Peu importe si le procédé prend du temps. Il faut pousser l’esprit à clarifier la situation expérimentée par des questions basiques : qui, pourquoi, où, comment ? Puis réflechir aux variantes qui existent pour une émotion, une sensation. « Etre en colère » n’est pas comme « Ressentir une injustice » ni comme « Se sentir trahi », par exemple. C’est bien de la simple capacité à réfléchir et à raisonner dont il s’agit car souvent on se rend compte dans les cours de communication verbale ou d’éloquence, que c’est elle qui est atteinte.

Pire encore, l’éducation en France en pâtit. Les résultats scolaires sont catastrophiques : le niveau de français et de mathématiques est en chute libre. Je reçois régulièrement des étudiants qui font des fautes à chaque mot, des jeunes qui peinent à structurer une pensée cohérente. Le numérique, censé faciliter l’accès à l’information et à la connaissance, semble finalement détruire les fondamentaux de l’apprentissage. Il faut dire que le temps passé sur les écrans est davantage investi sur des réseaux addictifs qu’à visionner des documentaires…

L’uniformisation numérique dans les zones rurales

La campagne, autrefois sanctuaire de la déconnexion, n’est pas épargnée par ce fléau. Même dans les zones rurales, où l’on pourrait espérer échapper au tout-numérique, la dématérialisation gagne du terrain. On demande désormais aux agriculteurs de remplir leurs déclarations en ligne, aux villageois de consulter les annonces locales sur des applications, et aux familles de gérer leur vie quotidienne par des écrans.

Cette numérisation massive impose un rythme déshumanisant, où même les moments de calme et de contemplation, jadis inhérents à la vie rurale, sont parasités par la technologie. La promesse d’une vie plus simple à la campagne s’effondre sous le poids de la dépendance aux écrans.

La nécessité d’une révolution humaine : se reconnecter à la vraie vie

Nous sommes arrivés à un point où il devient urgent de remettre en question cette obsession du tout-numérique. Il est impératif de recréer des espaces de déconnexion, de réapprendre à vivre sans écran, de renouer avec la véritable vie. Une révolution humaine doit émerger, non pas contre la technologie en tant que telle, mais contre son omniprésence tyrannique.

Pour les enfants, l’enjeu est crucial. Comment les éduquer avec lucidité dans un monde où tout les pousse vers l’écran ? Il est important de leur expliquer ce qu’était notre vie dans les années 80 et 90, une époque où le lien social était réel et tangible. À cette époque, les rencontres se faisaient dans la rue, à la bibliothèque du coin, ou au centre commercial, les discussions autour d’une table, et les loisirs s’inscrivaient dans des activités partagées. Les enfants jouaient dehors, développaient des relations humaines profondes et apprenaient à s’ennuyer, ce qui est crucial pour la créativité et le développement personnel.

Éduquer nos enfants à une autre réalité

Pour éduquer nos enfants dans une forme de lucidité face à cette ère numérique, nous devons nous-mêmes être des modèles de déconnexion. Limiter l’usage des écrans, privilégier les moments en famille, encourager les activités manuelles et physiques, et surtout, leur apprendre la patience et l’ennui. Ce sont des compétences qui se perdent, mais qui sont essentielles pour grandir sainement.

Il est également possible de faire du blogging non pas un grand n’importe quoi mais bien une source de savoir, d’apprentissages partagés. Tenir un blog sur la littérature du 19eme siècle est autre chose que de passer son temps livre sur TikTok…

Expliquez-leur que, dans les années 80 et 90, on attendait parfois des jours pour recevoir une lettre, et cela avait du charme. On s’organisait pour se rencontrer à une heure précise, sans être constamment localisé par un téléphone. On se rappelait les numéros de téléphone par cœur, on feuilletait des livres pour trouver une information, et cela participait à construire une mémoire, une attention, et une patience que le numérique a érodées.

Pour une réconciliation avec le réel

Le tout-numérique n’est pas une fatalité. Si nous, en tant que parents, enseignants, et citoyens, prenons conscience des ravages qu’il peut causer, nous pouvons réorienter le cours des choses. La révolution ne viendra pas d’une rupture totale avec la technologie, mais d’un rééquilibrage. Il est temps de redonner à la vie déconnectée une place légitime, pour que les jeunes générations puissent grandir en harmonie avec elles-mêmes et avec les autres.

Le numérique doit rester un outil, une valeur ajoutée, et non devenir un mode de vie sous injonctions. C’est à nous d’agir, d’éduquer, et de faire en sorte que la vie réelle, celle qui se construit dans le partage, le silence, et l’attention aux autres, retrouve la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre.

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Si nous avions de vrais cours de Gestion des émotions dès notre jeune âge, notre société se porterait mieux !

Dans un monde où le stress, la dépression et le suicide atteignent des niveaux alarmants, la question de la Gestion des émotions est plus cruciale que jamais. La société moderne nous confronte à une surcharge d’informations, à une multiplication des écrans et à une accélération du rythme de vie. Face à ces pressions, peu d’entre nous disposent des outils nécessaires pour comprendre, réguler et exprimer nos émotions de manière saine. Si nous avions appris, dès notre plus jeune âge, à gérer nos émotions, il est probable que notre société serait plus résiliente, moins sujette aux troubles mentaux et plus équilibrée.

Le stress : un fléau silencieux mais omniprésent

Le stress est devenu l’un des principaux maux de notre époque. En France, près d’une personne sur deux (49%) se déclare stressée au quotidien, selon une étude de l’Observatoire de la Santé en 2020. Ce stress chronique a des conséquences directes sur la santé mentale et physique. Il est à l’origine de nombreuses maladies cardiovasculaires, d’hypertension et d’autres troubles liés à l’anxiété.

Le stress commence souvent dès l’enfance, particulièrement à l’école. La pression des examens, la compétition, l’angoisse de l’échec et le manque de repos contribuent à installer un terrain propice aux troubles émotionnels. Pourtant, dans le cadre scolaire, peu d’initiatives sont prises pour enseigner aux jeunes comment gérer ces émotions négatives. Une éducation émotionnelle dès le plus jeune âge permettrait de donner aux enfants les clés pour comprendre leur propre fonctionnement émotionnel et pour mieux y faire face. Par ailleurs aucun rappel des vrais de la Vie : évoluer, rire et aimer, comme peuvent nous le confirmer toutes les personnes dans les services de soins palliatifs dans lesquels j’ai travaillé 6 ans durant. Pourquoi ce silence sur le véritable sens de la vie ? Peut-être pour formater des salariés qui demain ne rêveront plus…

La dépression : une épidémie mondiale

La dépression est devenue l’un des troubles les plus fréquents dans le monde. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 280 millions de personnes souffrent de dépression à travers le globe. En France, environ 3 millions de personnes en souffrent chaque année, avec une prévalence particulière chez les jeunes adultes.

Ce trouble est souvent lié à une mauvaise gestion des émotions, à une incapacité à exprimer des sentiments tels que la tristesse, la colère ou la frustration de manière saine. L’absence d’une éducation émotionnelle dès le plus jeune âge laisse les individus démunis face à leurs émotions, les plongeant parfois dans des cycles dépressifs prolongés.

En parallèle, la surcharge informationnelle, la pression sociale et la multiplicité des écrans contribuent à ce mal-être. Les réseaux sociaux, en particulier, accentuent ce phénomène. Des études montrent que l’utilisation excessive des réseaux peut entraîner des sentiments d’isolement, d’anxiété et de dépression, notamment chez les jeunes. Le bombardement constant d’informations et d’images crée une surcharge émotionnelle que peu de personnes savent gérer efficacement.

Le suicide : une tragédie évitable

Le suicide est l’une des conséquences les plus tragiques d’une mauvaise gestion des émotions. En France, on estime que 9 000 personnes se suicident chaque année, soit un suicide toutes les heures. C’est l’une des premières causes de décès chez les jeunes de 15 à 29 ans. Derrière chaque suicide se cache souvent une dépression non traitée, une souffrance émotionnelle non exprimée ou une incapacité à trouver des solutions à des problèmes personnels.

Si l’éducation émotionnelle était enseignée dès l’enfance, il est probable que de nombreux cas de suicide pourraient être évités. Les enfants, en apprenant à identifier leurs émotions, à en parler et à les réguler, seraient mieux armés pour affronter les défis de la vie adulte. Ils apprendraient à gérer le stress, à demander de l’aide quand ils en ont besoin et à trouver des stratégies pour faire face aux situations difficiles.

La multiplication des écrans : une surcharge cognitive et émotionnelle

Nous vivons à l’ère des écrans. En 2021, une étude de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) a révélé que les Français passent en moyenne 4 heures par jour devant un écran, un chiffre qui grimpe à 6 heures pour les 15-24 ans. Ce temps d’écran ne concerne pas seulement le divertissement, mais aussi le travail et la gestion quotidienne de la vie.

Cette surconsommation des écrans a un impact direct sur notre capacité à gérer nos émotions. Tout d’abord, les informations que nous absorbons – souvent de manière passive – sont nombreuses et variées. Nous passons sans transition d’une information sur une catastrophe naturelle à une publicité joyeuse, puis à un débat politique houleux. Ce flux continu d’émotions sollicite intensément notre cerveau, qui peine à faire la distinction entre l’important et l’accessoire.

Ensuite, les écrans ont également un effet sur la qualité de notre sommeil, perturbant ainsi notre régulation émotionnelle. Une étude menée par l’INSERM a montré qu’une utilisation excessive des écrans avant le coucher entraîne des troubles du sommeil chez 40% des adolescents, aggravant les risques d’anxiété et de dépression.

L’importance de l’éducation émotionnelle

L’éducation émotionnelle, qui inclut la gestion des émotions, la régulation des sentiments et la conscience de soi, est encore absente de la plupart des programmes scolaires. Pourtant, de nombreuses études démontrent que l’apprentissage de ces compétences améliore non seulement la santé mentale des élèves, mais aussi leurs résultats scolaires et leurs relations sociales.

Dans les pays nordiques, où des cours d’empathie et de gestion des émotions sont intégrés au programme scolaire, on observe une réduction significative des comportements agressifs et une meilleure qualité de vie chez les enfants. Les enfants apprennent à identifier leurs émotions, à comprendre celles des autres, et à adopter des stratégies pour gérer les situations difficiles.

Comment la gestion des émotions pourrait-elle changer la société ?

Si nous introduisions des cours de gestion des émotions dès l’enfance, les bénéfices pour la société seraient nombreux :

  1. Réduction du stress et de l’anxiété : Les enfants et adolescents, mieux équipés pour gérer leurs émotions, seraient moins enclins à développer des troubles anxieux ou dépressifs à l’âge adulte. Cela permettrait de diminuer les coûts associés à la prise en charge des troubles mentaux, qui coûtent chaque année 109 milliards d’euros à la France.
  2. Amélioration des relations sociales : Une meilleure gestion des émotions favoriserait la communication et l’empathie entre les individus, réduisant ainsi les conflits interpersonnels et professionnels.
  3. Prévention du suicide : En apprenant à reconnaître leurs émotions et à en parler, les jeunes seraient moins susceptibles de sombrer dans des états de détresse émotionnelle non résolus, contribuant ainsi à une baisse du taux de suicide.
  4. Réduction de la consommation excessive d’écrans : Une éducation émotionnelle inciterait à un usage plus raisonné des écrans, en apprenant aux enfants et aux adultes à s’ancrer dans le moment présent et à gérer l’angoisse provoquée par le flux constant d’informations.

Les solutions : intégrer la gestion des émotions à l’éducation

Pour que notre société se porte mieux, il est indispensable d’intégrer la gestion des émotions dans les cursus scolaires. Cela devrait inclure :

  • Des cours réguliers sur la régulation émotionnelle : Enseigner aux élèves comment identifier leurs émotions, les comprendre et les réguler de manière constructive.
  • Des exercices de pleine conscience : Les techniques de méditation et de pleine conscience permettent de mieux gérer le stress et d’apprendre à vivre le moment présent.
  • La création d’espaces d’échange émotionnel : Donner aux jeunes l’opportunité de s’exprimer librement sur leurs émotions dans un cadre sécurisé et bienveillant

Chaque année je forme des adolescents et des adultes à la Gestion des émotions, dans mon cabinet de Vichy mais aussi au sein des établissements scolaires ou de l’université. Pour toute demande, n’hésitez pas à me contacter.

Céline Baron

Tél. 06 56 77 02 11 (cette ligne n’accepte pas les sms)